dimanche 13 juillet 2014

L'été tropical de Glass Animals dans la jungle de Zaba.

Alors que Paris est plongé sous la grisaille, je vous emmène en voyage sous les tropiques. Après l'itinéraire Sauvage de Fakear que j'ai chroniqué sur Stereofox, je suis restée sur des sonorités expérimentales et inspirées par le Bengale.
Suis-moi, je t'emmène dans la Zabajaba Jungle de Glass Animals et son bestiaire qui ne vous laisseront pas de glace. 


Si au premier abord, Zaba m'a fait penser aux contrées lointaines et surannées d'Alt-J, il serait bien réducteur de mettre les deux groupes dans le même panier - surtout quand on voit un peu la direction que semble prendre Alt-J. Certes la voix de Dave Baley est presque aussi nasale et éthérée que celle de Joe Newman. Et on ne peut s'empêcher de rapprocher les sonorités des deux groupes : leur mélodies aériennes, et ces mélanges de beats doucereux & d'instruments organiques. Mais les univers sont bien distincts. Si pour An Awesome Wave, Alt-J avait été lorgné du côté cinématographique (Mathilda) et photographique (Taro), Glass Animals prends son inspiration des contes enfantins. 
En réalité, le voyage musicale suit les traces du livre pour enfant qui a donné son nom à l'album : Zabajaba Jungle de l'américain William Steig. Ce livre a bercé l'enfance du chanteur, Dave, et c'est donc tout naturellement que celui-ci s'en est largement inspiré pour écrire et composer le premier album de Glass Animals. 

L'album s'ouvre sur Flip et ses rythmiques hindies qu'on dirait tout droit sorties du Gange. A la poursuite d'un tigre du Bengale, le morceau gagne en puissance jusqu'à l'implosion, à l'image des chaînes que l'on brise pour se lancer à sa poursuite. Black Mambo nous plonge dans ses notes hypnotiques, à travers lesquelles se dégage la voix de Dave qui nous apaise. Il semble que la musique de Glass Animals soit tout aussi entêtante que le venin du serpent africain... "We can hold you" nous susurre inlassablement Dave qui nous retient dans cette jungle tropicale. Livrés à nous-mêmes dans ce monde d'exotisme, Pools nous emmène valser sur ses afro-beats. "I'm a man of tricks and tools and joy" nous déclare Dave, histoire de nous prévenir qu'on le veuille ou non, il nous a à sa merci pour déverser sa pop chatoyante. A pas feutrés, arrive le contagieux Gooey, reconnaissable par sa batterie électronique et cette sonorité aquatique particulière qui nous englue dans la circularité du morceau. Tel une mouche prise au piège, l'ouïe est happée dans ces loops mielleux, et ne peut plus s'en défaire. Une fois dépêtré de cette forêt sans fin, Walla Walla nous entraîne en plein cœur d'une cérémonie Taj Mahal-esque. Le faste et les danses traditionnelles sont au rendez-vous. Le "Take my hand" final sur fond d'explosions sonores nous entraîne dans un joyeux bazar comme on en voit au détour d'une célébration de Holi. 


Instruxx sert d'intermède et calme le jeu alors que la nuit tombe sur le palais. Mais le pays des rêves est mouvementé, à l'image de l'instrumental. Ecoute, écoute... Et laisse toi aller dans le brouillard d'un Hazey évolutif. On y retrouve la batterie planante de Gooey dans un univers plus onirique. La progression du titre nous entraîne sur des chemins de traverse où le risque est bien de perdre la tête. Toes arrive sur la pointe des pieds, discrètement, sans faire trop bruit. La basse est omniprésente. La basse, c'est ton corps qui avance à tâtons vers l'inconnu, guidé par cette force supérieure qui t'ordonne d'aller vers les dunes endormies. 
Wyrd est sans doute le morceau le plus trippant. L'atmosphère y est plus lourde, comme si la réalité nous rattrapait et voulait nous happer. Vite, comme le campagnol dont il est question, il nous faut nous réfugier, échapper à tout danger. 
Cocoa Hooves a des airs de Spanish Sahara dans ces premiers accords. Sauf qu'on ne trouve pas encore de chèvre aux sabots en chocolat dans le Sahara... Si tout semble possible dans l'imaginaire de Zaba, je doute d'apercevoir cette chèvre ailleurs que dans mon esprit malade. "Why don't you dance like you're sick in your mind?" 
Jdnt intervient comme un lueur dans la pénombre de cette seconde partie de disque. Sous ses faux-airs de Radiohead, le titre de clôture s'étire de tout son long, en douceur, comme pour mieux nous retenir dans cette univers animal.

"Play with me and pass the ball. 
Take my hand and let us fall." 



Il est ainsi tant de grandir un peu et de laisser de côté notre imaginaire d'enfant... Au moins jusqu'à la prochaine écoute de Glass Animals. 


jeudi 26 juin 2014

Mercredi, c'est ravioli. Jeudi, c'est débrief d'expos.

Dans la catégorie [expositions], pas mal de bonnes choses sont programmées à Paris en ce moment. De quoi trouver refuge au cas où le soleil déciderait de prendre des vacances...  

Hier je suis allée redécouvrir le Quai Branly, et j'ai glissé Marie dans mes valises. Toutes les deux, nous avons pris d'assaut les jardins tropicaux en fin d'après-midi. Puis au détour de notre ballade, on s'est aventuré à monter la cascade lumineuse. Au bout du chemin, on a arpenté les collections permanentes  plongées dans la pénombre. On a poussé le voyage jusqu'à la Mezzanine pour découvrir les secrets de l'art du tatouage. De la préhistoire à nos jours, l'itinérance se fait dans le temps et dans le monde. Des dessins aux techniques, l'aventure est fascinante, piquante et frémissante. Entre traditions et ornements, freak shows et rites de passage, le Quai Branly fait le point sur le Tatouage sous un angle anthropologique et historique. De quoi faire réfléchir sur le sens du geste, les motifs, et les motivations de chacun. On se perd dans les dédales de la mezzanine jusqu'à en oublier toute notion de temps, emportées entre imaginaires folkloriques japonais et rétrospective moderne.  

                     

Mais il est déjà temps de reprendre le métro bondée, direction Gaîté. Cette fois-ci, Marie a déserté, mais Eloïse & Flore m'accompagnent dans cette rétrospective Emmet Gowin à la Fondation Cartier-Bresson. On manque de peu l'impasse où se situe la Fondation, pourtant l'immense loft vaut le détour. Son escalier en colimaçon m'évoque un phare au sommet du quel gît une immense verrière où sont exposés quelques clichés d'Henri Cartier-Bresson. Mais revenons donc vers Emmet Gowin, qui occupe les deux étages de la Fondation. Le premier est réservé à son oeuvre familial. Dans cette série, il met en lumière sa femme et muse Edith, et l'influence de sa belle-famille dans sa vision. Les clichés sont d'une simplicité étonnante, certaines ont même l'aspect d'"accidents heureux". Le second étage s'attarde sur ses voyages et photographies aériennes. La série "Edith in Panama" intrigue par sa technique, tant sur le plan de la composition que du tirage. Les séries aériennes attirent l’œil pour les illusions d'optiques qu'elles suggèrent. On retiendra également les magnifiques clichés de Jordanie, commandée par la reine. 





lundi 9 juin 2014

[Retour sur la petite blague du weekend] SBTRKT - Temporary View

Vendredi soir, à l'heure de sortie de bureau, SBTRKT lâche Temporary View, en featuring avec Sampha. 

  
Excitation à l'orée du week-end devant ce qui est annoncé comme le deuxième extrait de son futur album (dont la date reste inconnue). Oui mais voilà, si le morceau est très bon, qu'il m'a fait dansé sur ma chaise dès la première écoute et a ambiancé ma soirée de samedi soir, je suis déçue. Pourquoi ? Tout simplement, parce que Temporary View, c'est du réchauffé sorti au bon moment pour rappeler que SBTRKT enchaîne les lives en festivals en ce moment.
Quelques mois auparavant, l'artiste avait sorti l'EP Transititions accompagné de son site psyché. Comme son nom l'indique, l'EP aux morceaux totalement instrumentaux en décalage avec son premier album éponyme, constitue la transition parfaite d'un album à un autre. Il en avait dérouté plus d'uns et on se demandait dans quelle direction allait se tourner la deuxième galette.
Temporary View semble apporter plus de précisions, en rassurer certains aussi. SBTRKT renoue avec les paroles et surtout la voix de Sampha. Il revient aux sonorités tribales et hypnotisantes, bref il ne ressemble en rien à Transitions. Si ce n'est peut-être à un morceau... Resolute, qui figure sur le-dit EP. 

Finalement, la petite blague du week-end, c'est qu'Aaron Jerome s'est bien joué de nous... Et qu'on est tous tombé dans le panneau. Point de nouveau morceau à l'horizon, juste une instru reprise, des paroles posées et l'illusion est faite : une nouvelle track qui affole la blogsphère par son génie.

Le génie de SBTRKT, c'est surtout de savoir faire parler de lui au bon moment. 

lundi 26 mai 2014

Les Contes de la Vallée te narre l'Histoire d'un Poète

Une fois n'est pas coutume, le Miroir sort de son cadre pour réfléchir à d'autres horizons. Viens par ici, je t'amène dans la douce Vallée de Chevreuse qui s’égaille durant le Festival Mai en Scène. 



Passer les chemins de traverse et le périple au bout RER B ne fut pas chose aisée quand la compagnie a désertée, mais Les Contes de la Vallée se méritent. Une fois arrivée à l'Espace Racine, la tragédie est évitée : pour une fois le Destin est en notre faveur, le RER B est arrivé à l'heure. 

La soirée met à l'honneur le spectacle vivant et les créations d'Emilia Santucci. Au programme une première pièce de théâtre met en scène Les Jeunes Pousses dans Cinq Sœurs. Sur fond de Pink Floyd, les filles nous entraînent dans ce qu'il semble être un pensionnat pour orphelines. La pièce en huit clos est rythmée des mystères entourant la pension. Entre disparitions inquiétantes, transformation en rat de bibliothèque et Martiens : ce soir tout peut arriver. 

D'un pensionnat déserté à une troupe de claquettes, il n'y a qu'un pas et celui-ci est frénétique. L'Electronic Dance Music se réchauffe aux claquements cadencés des pas sur le parquet de la scène. Après tant d'énergie, une pause s'impose. 
ENTRACTE. 

L'entracte laisse place à l'Histoire d'un Poète. Plongée dans un noir obscur la pièce se révèle. Les tableaux se succèdent et s'illuminent d'une lumière froide... jusqu'à l'arrivée du Soleil, qui luit comme l'étincelle au bout du Tunnel. Entre tension dramatique et éléments plus légers, l'histoire se construit sans fausse note. Les émotions sont au rendez-vous, portées par l'interprétation des comédiens, les épisodes de chants acapella et les très belles envolées de danse contemporaine. L'accompagnement musical participe à l'atmosphère vaporeux des Muses et nous plonge dans les abysses de l'âme torturée d'un poète parfois désabusé. 
La beauté de la pièce réside sûrement dans l'infinité de ses interprétations. J'ai vue celle-ci comme une réflexion meta-textuelle sur l'inspiration de tout artiste, où chaque personnage représente une part de la personnalité de tout un chacun. Tous sont donc liées, et il faut alors trouver le juste équilibre entre tous ces éléments. 
Entre Destruction et Création, la Fatalité ne semble jamais vraiment liée. 

mercredi 21 mai 2014

[Morceau Choisi] Sia, Chandelier, 2014

Récemment mes oreilles se sont portées sur le dernier single de Sia, Chandelier qui préfigure la sortie de son album début juin. 


Sia signe donc son grand retour, après s'être faite remarquer sur la scène mainstream à coup de featuring avec David Guetta et Flo Rida. Mais la chanteuse australienne de 38 ans n'en est pas à son coup d'essais puisque 1000 Forms of Fear est déjà son 6e album. 
Ce qui m'a interpellée à l'écoute de Chandelier, c'est la ressemblance avec Diamonds, titre de Rihanna. La ressemblance est particulièrement parlante sur le premier couplet : Rythme chaloupé, phrasé saccadé, voix chaude allant crescendo. J'avoue avoir été déroutée, moi qui est connue Sia à travers ses albums Color the Small One et Some People Have Real Problems, plus pop-folk que Chandelier donc. Musicalement, on est loin du célèbre Breathe Me essoufflé mais poignant, quoique les paroles de Chandelier restent dans la lignée quelque peu torturée. 

Mais pourquoi se tourner vers des sonorités rihannesques alors ? 

A piori Sia et Rihanna ne jouent pas dans la même cours. L'une est une artiste discrète et complète : auteure, compositrice et interprète; l'autre est interprète, et adepte des tabloids. Ce qui les rapproche finalement, c'est bel et bien le titre Diamonds, composé et écrit par... Sia. J'ai presque envie de dire que tout s'explique. 

Chandelier, outre ces quelques similitudes, est un morceau pop plutôt efficace porté par le timbre brisé mais puissant de Sia. La mélodie reste bien en tête, et le clip donne des envies d'envolées contemporaines, mises en valeur par la jeune danseuse Maddie Ziegler. (Personnellement, je trouve le clip assez dérangeant, mais passons...)  

vendredi 16 mai 2014

[Morceau Choisi] Jones & Stephenson, The First Rebirth, 1993

A la demande d'Eloïse, on s'attaque à un classique de la Techno Hardcore : The First Rebirth de Jones & Stephenson.


Si le duo belge est peu prolifique, 4 singles en 20 ans - autant dire que les deux producteurs aiment se faire désirer, The First Rebirth n'en est pas moins considéré comme un classique de la Trance musique. Et pour cause, pendant l'écoute on finit bel et bien en transe. The First Rebirth, comme son nom l'indique, guide l'auditeur dans une état second. Porté par ses oreilles, l'auditeur renaît dans un monde parallèle porté par des samples galactiques et des basses persistantes. En l'espace de 6 minutes, Franky Jones et Alex Stephenson nous guident dans un délire psychédélique qui va crescendo jusqu'à l'extase. Le morceau commence en douceur, le temps d'amadouer les sens, puis peu à peu les basses s'imposent et explosent. Le rythme est frénétique, la cadence folle. Puis viens sonner le drum roll et l'ensemble se calme un peu. Mais attention, ça n'est que pour mieux reprendre notre souffle avant de repartir en trombe dans les profondeurs de la nuit. Le rêve (ou la rave ?) ne fait que commencer, et mieux vaut être endurant... L'auditeur est emporté dans un trip infini qui s'entremêle aux loops du morceau. 
Les plus récalcitrants ne ressortiront pas indemne du bad trip
Les autres... ? Et bien 20 ans après, ils n'ont pas l'air complètement rétablis. Pour preuve l'incalculable nombre de remix, dont l'un signé Modeselektor, que les berlinois ont sorti en 2007. 


The First Rebirth me rappelle un peu ces hallucinations auditives, censées procurer les mêmes effets que la drogue, qu'on se faisait tourner au collège. Pour la #MinuteCulture, c'est basé sur le principe du battement binaural, découvert en 1839 par Heinrich Wilhelm Dove : un son, composé de deux fréquences légèrement différente et diffusé en stéréo, piège le cerveau. 

En bref, c'est séduisant, envoûtant et quelque peu addictif. 

Et comme le Plat Pays regorge d'artistes stupéfiants, je finirai sur un morceau de The Subs auto-proclamés Pope of Dope :  

Ps. Pour la Fête des Mères, comme le dis si bien Jeroen "Vole 20€ à ta mère...
PPS. Si tu aimes The Subs, va donc faire un tour au Social Club le 24 mai. 



samedi 10 mai 2014

Lykke Li - I Never Learn



I Never Learn est à l'image de la troublante suédoise Lykke Li. L'album oscille entre atmosphères pesantes, paroles dépressives à tendance auto-destructrice et envolées solaires mais froides sur fond de ballades power pop. C'est un album post-rupture à écouter lors d'une retraite en Scandinavie, couché sur la neige à regarder les aurores boréales. Un album d'introspection entre acceptation de soi, et acceptation par l'autre. L'album est construit au rythme des pérégrinations de l'âme, et les morceaux se font échos. L'autre  y est présent tout du long, comme ce fantôme qui hante l'existence de tout un chacun et  entrave sa remise en question.  Il représente l'immuabilité de la nature humaine, l'espoir, et la fatalité.


Entre espoirs déchus et destiné, il semble bien que Lykke Li restera toujours fidèle à son esthétique noire mais lumineuse tel un Soleil de Minuit suédois.